17 février 2009 21:33 • Puyloubier

Petit cauchemar de boîte,
de nuit

Fragment 12,
de toile et de peinture...

12 avril 2012

Fragment 12,
de toile et de peinture...

12 avril 2012

De tout ce qui nous a usés, de tout ce qui a entamé nos flancs depuis 20 ans il est un sentiment des plus pernicieux. Bien que rapidement conscients de la nécessité, de l’obligation de préparer l’avenir d’Émilien et de développer son autonomie et son indépendance vis-à-vis de nos propres personnes, s’en convaincre et agir selon n’a pas empêché chaque pas fait en ce sens de creuser un profond sillon de culpabilité. Et s’il se referme au fur et à mesure, il suffit d’une secousse pour que les lézardes se rouvrent.

Ainsi, parfois, ces jours-ci, quand la nuit se fait tombante en un dimanche soir, que l’on se sent serein parce que notre enfant allait bien et qu’on l’a ramené au Foyer, presque euphoriques à l’idée que les « choses » semblent avancer, et que le sommeil vient sur une fatigue légitime, alors, peut-être qu’un signal est nécessaire pour nous rappeler à notre condition humaine. Coloré et insidieux.

[… Un cottage, dans un style de bungalow de plain-pied canadien — réminiscences cinématographiques ? —, s’ouvrant sur un champ qui dévale en pente douce vers un lac ou peut-être un bras de la mer, encadré de très grands résineux. Lumière de crépuscule, le lac est noir. Une poignée de personnages flous, car nous sommes dans un rêve, s’agitent dans une ambiance ludique, mais sans éclats, quelques adultes, des enfants, des ados qui interagissent… Un jeu est en cours dont la finalité est une boîte, une boîte que l’on devra refermer, exposée sous un spot qui l’extrait d’une douce pénombre ambiante ; une grande et belle boîte colorée, à l’intérieur moelleux, cousue de poches violettes et jaunes, souples, épousant les formes, peut-être remplie de billes de polystyrène, comme les poufs d’avant.

Je dois y déposer un enfant, quasi-ado, préalablement enduit d’une peinture jaune visqueuse, pâteuse, épaisse, en ne réservant que le visage, même pas les cheveux. Visage dont les yeux me regardent, d’inquiétude, d’étonnement, mais aussi de confiance, parce que de soumission.

Mes gestes sont saccadés, mais précis et la boîte se ferme sur le corps lové que j’ai déposé là, dans un monde de complémentaires enfantines, jaune et violet, dont seul émerge cet ovale rose, visage et regard clair ; et soumis, encore ; et au moment où je la scelle d’un scotch brillant, l’impression furtive et funeste que les yeux se referment…]

Fulgurante panique qui me réveille aussitôt, dans un courant d’air glacé ; dans cet état de semi-conscience, cette transition qui permet de prolonger le rêve, le cauchemar, pour en en colmater les brèches, en reculer l’effroi, en contrecarrer l’issue : double étouffement, par manque d’air et par ce que je sais du fameux syndrome des carnavals : l’obstruction des glandes sudoripares, des pores de la peau par une peinture non appropriée, surchauffe des organes vitaux et intoxication du sang.

Aigre dans le noir, il est soudain clair que j’ai déjà fait ce rêve, sans jamais ne m’en être souvenu. Alors, technique : accomplissement d’un désir ou rétablissement d’un équilibre ?

Penché sur mon sillon, tout en cherchant comment rouvrir ma boîte le plus rapidement possible sans en blesser le contenu, je rationalise. Cette séquence existe sans doute parce que ce soir-là, nous avons ramené Émilien après un dimanche trop court, parce qu’on le sentait bien avec nous et que dans cette osmose, le laisser dans son Foyer crisse comme une déchirure.

Tandis que je trifouille dans la pâte jaune avec l’acharnement d’un cuisinier qui aurait perdu son alliance dans une marmite de carbonara, je me dis qu’il est dit quelque part qu’il ne faut jamais révéler ses rêves, surtout pas les cauchemars, sauf en face d’un récipiendaire spécialisé. Mais si je me livre encore ici, c’est sans doute parce que l’interprétation en est limpide, enfin à mon aune.

Je ne digérerai jamais la séparation d’avec mon enfant chaque fois qu’il me regardera avec ce regard innocent  de l’animal qui dérouille sans comprendre pourquoi.

C’est comme cela. Et alors que je me demande quels diluants pourront bien libérer les pores de cet enduit jaune, je sais que si je me livre encore ici, tétanisé au fond de mon lit, la colonne vertébrale congelée, c’est aussi pour dédier ce petit billet à tous ceux qui un jour ou l’autre, en voulant bien faire, peut-être, nous voyant nous sacrifier, ou bien tentant de se disculper eux aussi, nous ont dit en substance : « Pourquoi ne pas placer Émilien ? »

Peut-être que cette note éclairera certains aspects de la seule réponse possible à ce que je considère aujourd’hui, toujours, comme une insanité. Même si à l’aube de ses vingt ans, je la vois maintenant comme un passage obligé.

Et je reviendrai un jour sur le magnifique euphémisme que constitue le verbe « placer », ici, si simple et si violent dans toute sa portée sémantique, résumé de toutes les défections et de toutes les lâchetés. « Lorsqu’un Indien est enfermé dans un espace, son corps devient faible. » 1

Je sais, ce n’était qu’un rêve, un petit cauchemar de nuit, avec une boîte. Je n’ai donc pas besoin de diluer, le corps sue et respire normalement. Je peux me rendormir. Je dois me rendormir, mais je tergiverse un peu, je me rappelle qu’au Canada les Hurons captent les rêves, dreamcatcher piégeant les mauvais, comme le ferait une toile d’araignée, pour n’en garder que les bons.

De grande sagesse.

[Un cottage, au Canada…]

Armand T.
28 déc. 2008
14:01
Puits d'Auzon
28 décembre 2008 14:01 • Puits d'Auzon

Sauf indications contraires, textes, dessins et photographies sous © Didier-Trébosc

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Sitting Bull

“Le chef des Sioux était et demeure une icône de résistance autochtone en Amérique du Nord.
L’histoire de Sitting Bull montre clairement les objectifs du gouvernement du 19e siècle qui cherchent à chasser les peuples autochtones, leur culture et leur influence des Prairies.” L’Encyclopédie Canadienne

Sitting Bull, histoire courte ::·

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