29 nov. 2008  13:38 • Route de Pourrières

Sans raison apparente

Fragment premier, de becs et d'angles

28 février 2012

Fragment premier, de becs et d'angles

28 février 2012

Quelque part en novembre. Fenêtre ouverte, hiver encore trop doux. Les étourneaux sont à nouveau là, dans leur plumage de frimas. Par centaines, ils font escale dans notre petit village. Certains s’en plaignent. Leur nombre est angoissant, leur comportement aussi ; et leur étonnante aptitude à évoluer en groupe ; et le magnétisme de leur formation serrée, de sa densité…

Je dois fermer la fenêtre ; mes doigts frisent les touches du clavier comme jamais ils n’ont hésité. Difficile de poser ce premier message, point d’ancrage entre vingt années d’autisme — ou avec autisme comme le veut l’euphémique sémantique actuelle — et peut-être encore vingt à venir…

Émilien…

Vingt années déjà, à avancer avec notre fils unique, son handicap, nos handicaps : l’autisme, atypique, pour lui, les impacts psychologiques pour nous, père et mère, et sociologiques pour notre famille et notre couple. Deux décennies d’un enfermement progressif, sournois, étouffé, rationalisé.

Mais vingt ans à avancer, aussi, au sens propre : pour le calmer, le poser, on marche beaucoup avec lui, chaque jour où il est et était avec nous, quel que soit le temps en quelque huit cents kilomètres par an ces dernières années. J’ai tracé ce parcours, jalonné cette activité de quelques milliers de prises de vues, formats numériques Raw que je développe parfois avec lui, a posteriori.

Vingt années encore de confrontation à l’autre, l’autre avec autisme, l’autre-ami, l’autre-proche, l’autre-compagnon, l’autre-institution, l’autre-société.

Et un constat grave, froid, que je traduis ici vers l’autre, encore. Je suis pugnace, mais ce témoignage me coûtera de la sueur, bien sûr, mes doigts fuient les touches comme d’une plaque chauffante, et d’autres humeurs aussi, parce que l’on rouvre des blessures… Et je m’égare déjà.

Égaré ? Émilien ne figure pas dans ce tout premier visuel  ; parmi les milliers de photographies prises principalement lors de nos balades à pied, j’en ai choisi une prise du bord d’une route, sans raison apparente.

Peut-être son punctum, la zébrure des trois fils, qui me renvoie à nos trois vies… Mais je préfère y voir comme une partition contemporaine, chaque étourneau comme une croche et imaginer un musicien chevelu barbu, perché, s’échinant à percevoir une lumière sensorielle d’une thématique glacée.

Parce que, même surgissant du gris, lumière il y a, forcément…

On ne tient pas vingt ans sinon, mais ce sera dit plus tard.

Armand T.

20 mai 2010
9:39
Bois de la Dispute
20 mai 2010 9:39 • Bois de la Dispute

Sauf indications contraires, textes, dessins et photographies sous © Didier-Trébosc

autisme-hieroglyphe

Punctum

“C’est par le studium que je m’intéresse à beaucoup de photographies, soit que je les reçoive comme des témoignages politiques, soit que je les goûte comme de bons tableaux historiques car c’est culturellement (cette connotation est présente dans le studium) que je participe aux figures, aux mines, aux gestes, aux décors, aux actions.
Le second élément vient casser (ou scander) le studium. Cette fois, ce n’est pas moi qui vais le chercher (comme j’investis de ma conscience souveraine le champ du studium), c’est lui qui part de la scène comme une flèche, et vient me percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu ; ce mot m’irait d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée de ponctuation et que les photos dont je parle sont en effet comme ponctuées, parfois même mouchetées, de ces points sensibles ; précisément, ces marques, ces blessures sont des points. Ce second élément qui vient déranger le studium, je l’appellerai donc punctum ; car punctum, c’est aussi : piqûre, petit trou, petite tache, petite coupure – et aussi coup de dés. Le punctum d’une photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne.”

Barthes Roland, La chambre claire. Note sur la photographie, Gallimard-Le Seuil, 1980.

Raw

Raw est la désignation générique d’un type de fichier d’images numériques issues d’appareils photo numériques ou de scanners. Un fichier Raw contient les données brutes du capteur et les paramètres nécessaires à la transformation en fichier image visible sur écran. Ce processus est souvent comparé au développement d’un film photographique (inversible couleur). Le fichier est plus volumineux que celui au format JPEG, servant le plus souvent à la communication des images, mais il n’a pas subi de transformations irréversibles, ce qui permet de retravailler sans dommage.”

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